L'enfance

Il s'est inscrit sur Doctissimo en juin 2012.
Il a chouiné, s'est lamenté sur son sort, a affronté virtuellement dans des combats titanesques les plus grands et gros Trolls de l'Histoire de la section TCCS.
Il vous en a fait baver pendant presque un an et demi.

Il vous a stalké jusqu'ici.

Découvrez tous ses secrets les plus intimes, ses mystères, la tragédie qui entoure sa naissance, le loup-garou qui l'a mordu à la maternité la nuit même où sa pauvre mère a accouché de lui dans de terribles souffrances ( photos-preuve sur demande/paiement Paypal ).

Puis vous apprendrez qu'il a réussi malgré sa lycanthropie à rester un enfant tout à fait normal lors de sa scolarité, du moins, jusqu'à une certaine année du collège.

Si tout ça vous intéresse, attendez encore un peu.
Si tout ça ne vous intéresse pas, attendez aussi, ça fera toujours de la lecture pour occuper vos heures vides.

C’est une des rares photos que j’ai de nous quatre. Je voudrais verser toutes les larmes de mon corps sur le sujet de ce que je pense de ma famille, mais honnêtement, ça sort pas.
Partons du départ, sans trop se voiler la face ; j’ai eu une enfance du tonnerre. Pas pourrie gâtée, un chien et des poules, deux parents qui s’aiment, une sœur pour se chamailler avec à qui tirer les cheveux quand je m’ennuie. J’ai été vraiment ; tellement si énormément heureuse durant toute mon enfance que je ne m’en rendais pas compte car tous les jours se suivaient dans cette sorte d’idéal de la vie. Jamais je ne pourrais constater à nouveau le bonheur que j’éprouvais à cette période équilibrée, structurée et parfaite de ma vie. J’ai eu le petit élan candide qu’ont tous les enfant un jour: j’ai cru que ça durerait. Mais voilà, comme tout le monde, il y a des choses qui flanchent. Papa est cuisinier mais sur les bateaux, pour les Amiraux, papa travaille loin et ne revient qu’un week-end tous les X. Maman ne va pas l’attendre sur les quais, elle a deux filles à élever, et papa lui en voudra toujours. Un jour, mon père prend sa retraite anticipée. Une année après, mes parents divorcent et un mois plus tard, mon chien meurt et mon chat se fait écraser. Pour le divorce, je le prends bien, je m’en doutais, mon père traitait ouvertement ma mère de grosse vache alors que trois ans plutôt il la serrait dans les bras en l’appelant ma puce. Qui de l’un ou l’autre a changé? Je ne sais plus. Ma mère me parle de mon père comme d’un prince redevenu gorille. A chacun sa version. Et après? Tout va de travers. Le jour où mon père emménage seul dans un appartement, il vient aussi nous chercher à la sortie de l’école. Il est parti dans la journée, quand nous n’étions pas là, pour qu’on ne puisse pas contempler les pièces se diviser une à une. Jusque là tout va. Mais voilà, il vient aussi me chercher à l’école : j’ai dix ans. Sur le retour, il s’arrête et à partir de là, je n’ai de cesse que d’appeler au secours pour que quelqu’un vienne me dire quoi faire, que c’est normal, qu’il est mal, que c’est comme ça. Parce qu’au feu rouge, il se range sur le côté. Il ne voit plus la route parce qu’il pleure, il pleure parce qu’il ne sait pas s’occuper d’un enfant et qu’il ne sait pas que certaines choses ne se disent pas. Il tremble comme un fou et d’angoisse, il me presse contre lui. Il me fait mal. Il dit que je dois lui promettre de ne jamais croire qu’il ne m’aime pas. il dit qu’on sera heureux, qu’il a essayé, mais qu’il n’a pas pu. A ce moment, je m’interroge. Il reprend. ”J’ai essayé tu sais, de sauter, de me suicider sur les bateaux, mais j’ai pensé à vous et j’ai pas pu, je me suis dit je peux pas faire ça”. Dix ans, c’est l’âge auquel j’ai du grandir. Ma sœur étant adolescente rentrait plus tard le soir ou logeait chez des copains. Pendant ce temps, mon père est cloué au lit, il déprime et se rend malade pour rien, mais genre malade comme un chien. Je vais me coucher le soir et je l’entends gémir, pleurer, vomir, regretter. Je mets ma musique mais je le sens toujours, il est là, et toi, du haut de tes trois pommes, tu ne peux rien faire pour l’aider. J’ai tenu deux ans comme ça. Au bout des deux ans, j'avais constamment la peur au ventre quand je me retrouvais seule avec lui. Ma mère a tout sur ses épaules, le monde entier, elle s’étire dans tous les sens car elle est tout ce qu’il y a de plus beau dans ce monde. J’aime ma mère plus que tous les copains que j'ai eu, et je sais que si ce n’est pas le même genre d’amour, celui là est plus fort et plus vif.
Trois ans passent. Mon père a cinquante ans et une troisième fille, un peu à la traîne, un peu pas prévue, un peu imposée par la mère, un enfant dans le dos qui n’a rien demandé mais qui va avoir une drôle d’éducation, de vie, pauvre Lilou. La mère le manipule, le traine en justice, ils se séparent, elle le harcèlent, il fait le bon con, revient avec. Il oublie mes dix-huit, puis mes vingts ans, ma rentrée, mes études, ma sœur aînée avec. A ses yeux, la seule qui ait réellement besoin de lui, c’est la petite dernière. Je ne suis pas jalouse : elle le mérite. Je ne m’apitoie pas : personnellement je ne veux pas de sa présence car je suis une enfant déçue de ce que son père est devenu. Je crois qu’il vieillit simplement mal, et cette idée me glace.
Ce qui me tue le plus, me rend vraiment malheureuse, c’est de me dire qu’avec le temps inconsciemment, j’oublie mon enfance heureuse, les détails, j’oublie de quelle façon mon père serrait ma mère, de quelle façon il l’embrassait et combien ça me rendait heureuse d’avoir des parents qui s’aiment autant que je les aime. J’oublie les pièces de la maison, la couleur de ses murs, le parfum des marguerites dans les jardinière et la forme rongée de l’os de mon chien. J’oublie les anniversaires géants, les piscines durant l’été, la vie de tous les jours qui ne sont plus des jours mais des années de recul, et la vie qu’il y a après ne promet pas d’être aussi belle et pleine que ce que le passé fut. Je ne sais pas si ça m'a servi, d'avoir été super heureuse, mais c'était vraiment bien.